mercredi 1 avril 2009

Rajoelina (dit TGV) & le Marketing

Rajoelina, l'homme pressé ?

A seulement 34 ans, Andry Rajoelina, à qui l'armée a confié les pleins pouvoirs, est le nouvel homme fort de Madagascar. Ancien organisateur de soirée, puis publicitaire et enfin maire d'Antananarivo, il est parvenu en l'espace de trois mois à évincer Marc Ravalomanana de la présidence de la Grande Ile. Portrait d'un homme habitué à griller les étapes. Quitte à se brûler les ailes ?


Avec Andry Rajoelina, il ne faut pas se fier aux apparences. A seulement 34 ans, l'homme en paraît dix de moins. D'apparence fluette, il se mue pourtant en véritable rouleau-compresseur quand il s'agit d'arriver à ses fins. Au fil des années, il a gagné un surnom, TGV (en référence au train français bien sûr, mais aussi aux Tanora malaGasy Vonona, les Jeunes Malgaches pressés, son parti), un surnom qu'il apprécie et revendique. Sa trajectoire fulgurante l'a amené à être aujourd'hui le nouvel homme fort de Madagascar. Mardi, l'armée l'a en effet formellement reconnu comme le président de en tant que président d'une autorité de transition. "Nous donnons les pleins pouvoirs à M. Andry Rajoelina pour qu'il devienne président d'une haute autorité de transition", a déclaré l'amiral Hyppolyte Ramaroson, lors d'une conférence de presse organisée sur une base militaire de la capitale.

En à peine plus de trois mois, Andry Ravoelina s'est en effet posé en leader de l'opposition et, à coup de manifestations et de fracassantes déclarations, a poussé Marc Ravalomanana, l'actuel président, vers la sortie. Sous la pression de l'armée, ralliée à son adversaire, le président en place a en effet annoncé mardi sa démission.

DJ, publicitaire puis maire d'Antananarivo

Rien, pourtant, ne prédestinait celui qui est désormais officieusement à la tête de la Grande Ile à la politique. Fils d'un colonel, Andry Rajoelina se tourne d'abord vers l'évènementiel. A 20 ans seulement, il est l'organisateur des soirées les plus courues de la capitale malgache. Le plus souvent, il tient en personne le rôle de DJ derrière les platines. Puis en 1998 -il a alors 23 ans-, il lance sa carrière d'homme d'affaires en fondant la société Injet, spécialisée dans la communication et la publicité. Les affaires deviennent rapidement florissantes, au point qu'il est nommé par le magazine Eco Austral manager de l'année dans l'océan Indien en 2001. Rapidement pourtant, le monde des affaires se révèle trop petit pour ses ambitions.

L'année 2007 marque un tournant pour Andry Rajoelina. A l'automne, il achète une chaîne de télévision et de radio, qu'il rebaptise Viva. Surtout, il décide en décembre de se présenter aux élections municipales pour emporter la mairie d'Antananarivo. Peu connu, le candidat des TGV part de loin. Mais face au candidat du pouvoir Hery Rafalimanana, le jeune homme remporte haut la main le scrutin, avec 63% des voix. A partir de ce moment, ses relations avec Marc Ravalomanana ne feront que se tendre, jusqu'à l'implosion.

Trop pressé ?

Les deux hommes ont pourtant beaucoup en commun. Issus de la même ethnie, Merina, ils ont tous deux fait fortune en partant de rien. Comme Rajoelina, Ravalomanana n'avait a priori aucune ambition politique. Mais l'actuel président malgache avait décidé de se lancer à cause de son très autoritaire prédécesseur, Didier Ratsiraka. Il s'était également servi de la mairie de "Tana" comme tremplin vers son destin national. Et avait pris le pouvoir en 2002 au terme de plusieurs mois de crise, au cours desquels il avait reçu le soutien d'un jeune loup déjà influent dans le milieu des affaires : Andry Rajoelina.


Ce dernier n'a donc pas hésité à s'élever contre celui que jadis il soutint. Avec succès, mais son ambition et son impatience pourraient lui jouer des tours. Elles lui ont déjà coûté l'inimitié de la communauté internationale, lorsqu'il s'autoproclama, à la fin du mois de janvier, "en charge des affaires" du pays. L'Union africaine et l'Europe n'avaient pas manqué de l'enjoindre à respecter la constitution malgache. Et alors même que, soutenu par l'armée, il semble parfaitement placé pour succéder à Marc Ravalomanana à la présidence du pays, il ne peut pas briguer le poste suprême, la constitution requérant l'âge minimum de 40 ans. Cette fois, Andry Rajoelina est allé trop vite.


Par Rémi DUCHEMIN in : le Journal Du Dimanche lejdd.fr