mardi 10 février 2009

LE MARKETING PEUT-IL ÊTRE SOCIAL ?

Le marketing social ou non marchand est un mode de pensée et un outil, au service de la gestion du secteur non lucratif (Associations, ONG, organismes publics, institutions, ...).

L'apparition du marketing dans le champ du non marchand est liée à l'effet de concurrence entre les services provoqué par la rareté des ressources. Le plus souvent, ce n'est pas la demande de service qui fait défaut, mais les ressources pour répondre à l'ampleur de la demande.

L'organisation non marchande, pour subsister, n'échappe plus à la justification de son utilité sociale devant les instances de tutelle ou vis-à-vis des donateurs. L'intérêt croissant du secteur non marchand pour le marketing n'est pas un choix délibéré mais le plus souvent une résignation ou une croyance magique.

Ce peut être une résignation parce que le secteur social n'a jamais voulu se compromettre dans des pratiques mercantiles. Le travail sur l'humain et le souci des plus démunis côtoient difficilement les valeurs de profit, d'exploitation et de manipulation associées au marketing.

Face à la résignation, il y a les adeptes de la croyance magique. Le succès de certaines organisations est attribué de manière un peu rapide à la publicité : "Il suffit de ... " , comme si l'usager n'attendait que ça...
La résignation et la croyance magique sont les moins bonnes manières de découvrir le marketing. Le risque est présent d'un glissement d'une logique non marchande à une logique commerciale.

L'introduction et la réussite d'une action marketing nécessitent une approche méthodique et de longue durée. Celle-ci doit, pour préserver les fondements de l'action sociale, s'intégrer à la gestion et concerner tout le monde. Enfin et surtout, elle doit être l'objet d'une réflexion éthique.

Sa maîtrise permet d'en faire un usage heureux (au service de bénéficiaires et de la société globale) ou abusif (en développant des logiques commerciales déguisées). A chacun de choisir ses valeurs et de prendre les décisions en conséquence, cela doit faire partie des politiques de l'organisation.

Après cette mise en garde, je ne puis que regretter que le monde social ne s'approprie que timidement un outil qui lui permettrait de mieux valoriser son action. Il n'y a rien de plus dommageable pour les organisations et pour les bénéficiaires potentiels que de voir dépérir des activités dont la valeur est évidente.

Qu'est ce que c'est un secteur non marchand ?

Il n’y a pas de définition légale du secteur mais la réglementation qui lui est applicable procède par élimination et par énumération .

En général, sont considérées comme relevant du secteur non marchand les organisations qui ne poursuivent pas de but lucratif (c'est-à-dire que les éventuels bénéfices ou plus-values ne peuvent faire l'objet d'une appropriation privée) et qui sont reconnues comme telles par l’autorité publique.

Mais, pour éviter des difficultés d’application, les réglementations en la matière, qui émanent surtout de l'Etat, procèdent par énumération des activités professionnelles visées. Il s’agit globalement d’activités déployées par des services publics ou par des associations qui satisfont des besoins collectifs, sociaux ou culturels.

Diverses appellations sont en usage et définissent mal les limites du secteur : l’économie sociale, le mouvement associatif, le secteur public, les entreprises sans finalités économiques.
Selon les dénominations, certaines activités sont reprises et d’autres pas.

Quelques critères d'identifications :

Afin de délimiter les frontières du marchand et du non-marchand, on peut utiliser les trois critères suivants :

* La nature des services :

Il s’agit des services ayant essentiellement pour objet la promotion du bien-être : soins de santé, aide sociale, formation, culture, loisirs et protection de l’environnement. Ces activités, qui visent à produire des biens collectifs ou quasi collectifs, ne devraient pas être soumises à la loi de la concurrence commerciale mais il faut reconnaître qu’elles n’y échappent pas tout à fait.

* La forme juridique des pouvoirs organisateurs :

On trouve dans le secteur non marchand :

- des organisations publiques (locales, régionales, nationales et internationales);
- des organisations privées (associations de fait, Établissements d’utilité publique, Unions professionnelles );
- des titulaires de professions libérales (médecins, pharmaciens, dentistes, avocats, notaires, ... bien que certains hésitent à les classer dans le secteur non marchand).

* Le mode de financement :

Dans le secteur non marchand, il est admis que le financement principal se fait par des contributions extérieures volontaires ou forcées (impôts, cotisations, dons...), d’où parfois l’appellation de “secteur des contributions”.

De ces critères, nous pouvons dégagé une définition du secteur non marchand comme étant : les services non commerciaux en matière de santé, de bien-être, de culture et de loisirs financés grâce à des transferts de l’État ou des contributions extérieures (dons).
Cependant, cette définition ne permet pas d’éviter les zones intermédiaires et les cas limites.

Marchand - non marchand ?

Au sens le plus strict, le non-marchand est la sphère des biens et services mis à disposition des usagers en dehors du marché, c'est-à-dire que le financement n'est pas assuré par un prix de marché destiné à couvrir les coûts de production mais par des contributions obligatoires (impôts) et/ou volontaires (dons, cotisations).

Dans une approche économique de type néoclassique, avec le modèle de concurrence parfaite comme modèle de référence, les économistes justifient cette offre de biens et services en dehors du marché par certaines caractéristiques :

- Ainsi, à l'opposé des biens privés (relevant de la sphère marchande), parmi les biens et services "non marchands", figurent ce que les économistes appellent les biens collectifs "classiques" (défense, sécurité public), c'est-à-dire des biens dont le coût doit être récupéré au moyen de contributions obligatoires car ils sont non exclusifs, indivisibles en unités de consommation et ne sont pas négociables sur le marché.

- Le secteur non marchand comprend aussi la production de biens et services qui pourraient être soumis aux lois du marché mais pour lesquels la collectivité a préféré d'autres critères parce que leur écoulement sur le marché provoquerait des choix de production et une répartition jugés indésirables.

C'est biens et services quasi collectifs recouvrent l'enseignement, les services de santé, l'aide sociale, la culture.... Cette production peut être assurée par des institutions publiques, souvent décentralisées (regions, villes, communes...), mais les biens collectifs sont aussi très souvent assurés par des organisations privées, en général des mutuelles ou des fondations.

Certains économistes ajoutent qu'il convient de discriminer les organisations sur la base de la finalité première qui leur est socialement reconnue. Les organisations non marchandes seraient supposées "extraverties" parce qu'on attend d'elles qu'elles changent un état de l'environnement ou le préservent s'il est menacé.

ex. : améliorer la santé, la formation, contenir le chômage, assurer la sécurité des citoyens...

Les entreprises marchandes seraient "introverties" au sens où elles ne sont, en principe, intéressées que par leurs performances économiques propres, exprimées en termes de croissance, chiffre d'affaires, profit...

Cependant il ne faut pa generaliser :

- le critère marchand - non marchand, ne permet pas de classer les associations qui ont des activités commerciales inscrites dans un cadre de marché et de concurrence

ex. : les Magasins de PSI, d'Oxfam, de Greenpeace ou du real de madrid.

- la différenciation extravertie - intravertie ne tient pas compte d'organisations marchandes qui visent à améliorer ou changer l'environnement dans lequel elles évoluent soit parcequ'elles sont soucieuses de leur image auprès du public ou auprès des gouvernements dont elles souhaitent bénéficier d'aides institutionnelles, soit parce qu'elles sont parvenues à y construire un marché.

- les critères de rentabilité ne sont pas absents des préoccupations des gestionnaires du secteur non marchand.


- enfin, ce n'est pas considérer les organisations non marchandes comme pouvant être elles- mêmes implantées sur des marchés et en situation de concurrence entre elles tant par rapport aux bénéficiaires que par rapport a l'Etat.

Ex : recherche de financement dans le cadre de la lutte contre le SIDA.

Le troisième secteur, l'économie sociale :

Depuis une vingtaine d'années, les économistes ont accompli de nombreux travaux visant à développer une autre approche reconnaissant l'existence d'un troisième grand secteur d'activités économiques, distinct des secteurs privés et publics et formé de trois grandes composantes : les entreprises coopératives, les organisations mutuallistes et les associations.

Cette analyse dégage une même origine à trois types d'organisations : l'associationnisme ouvrier du 19e siècle qui a lancé, d'abord en France, les premières sociétés de secours mutuel, les premières sociétés coopératives ainsi que de nombreuses associations de nature politique et/ou syndicale, pour tenter d'atténuer les coûts humains de la révolution industrielle et la non-prise en compte de la dimension sociale (prévalant à l'époque) en exprimant clairement la volonté de défendre des intérêts communs.

La nouvelle économie sociale voit le jour comme une composante institutionnelle supplémentaire de notre système économique, différente à la fois du secteur public et du secteur capitaliste mais tout aussi structurelle que ceux-ci, composante à la fois nécessaire pour l'amélioration de l'allocation des ressources et la redistribution des revenus, et utile pour la stabilisation économique qui s'avère essentielle si l'on vise une croissance équilibrée et soutenue, mais aussi respectueuse vis-àvis de l'écosystème".

L'économie sociale, dans sa définition, regroupe les activités économiques exercées par des sociétés, principalement coopératives, des mutualités et des associations, dont l'éthique se caractérise par quatre principes :

- la finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que recherche du profit
- l'autonomie de gestion (indépendance par rapport au pouvoir public)
- le processus de décision démocratique
- la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus

Les "non-profit organizations" :

Essentiellement de tradition anglo-saxonne, une troisième conception distingue des organisations des secteurs public et privé traditionnels un troisième type qui se définit dans cette littérature comme l'organisation privée à but non lucratif. Pour différentier les organisations, cette approche se fonde sur l'analyse des statuts en vertu desquels elles ne peuvent distribuer leurs bénéfices ou surplus aux personnes qui les contrôlent.

Le trait essentiel de distinction est donc la contrainte de "non-redistribution"

Explication de l'existence et du rôle des N.P.O :

De nombreux économistes ont fait l'hypothèse que les NPO apparaissent pour satisfaire la demande instisfaite chez les citoyens quant à la quantité et la qualité des biens produits par les pouvoirs publics et donc pour pallier les déficiences de la production publique.
Les anglo-saxons parlent de "State failure".

D'autres auteurs ont mis en évidence le rôle des NPO en cas de déficience du marché "market failure" provenant d'une asymétrie de l'information. L'hypothèse sous-jacente à ce comportement est qu'en cas d'asymétrie de l'information, les consommateurs (les acheteurs) auront davantage confiance si le service est fourni par une NPO car la contrainte de non redistribution du profit éventuel fera que cette organisation sera beaucoup moins incitée à profiter de sa situation de supériorité (dans l'accès à l'information) et à offrir des services de faible qualité . En cas de non stabilité de l'emploi, le bénéfice pourrait être la protection de celui-ci. La liberté du client sera donc influencée.

Le comportement et les objectifs poursuivis :

Des études sérieuses montrent que nombreuses productions privées sans but lucratif ont été lancées par des groupes animés par des motivations d'ordre religieux ou idéologique. Ces travaux font l'hypothèse qu'en procédant de la sorte, ces groupes cherchaient à vivre et à promouvoir leur foi ainsi qu'à recruter un maximum de membres.

De récentes recherches ont dégagé d'autres facteurs intervenants sur le versant de l'offre. Leur conclusion principale est qu'une NPO ne voit le jour que s'il existe un groupe de personnes ou d'institutions intéressées, en mesure de contrôler l'organisation et pour lesquels les avantages nets attendus de celle-ci dépassent les avantages qu'on pourrait obtenir par d'autres voies, occultant ainsi le cractère spontané du mouvement associatif en lien avec l'engagement bénévole.

Ce n'est pas la nature de l'activité qui détermine son appartenance à l'un ou l'autre secteur mais la finalité ou la philosophie qui préside à cette activité.


L'économie sociale, se définit par son histoire; elle est le produit du mouvement ouvrier ou plus largement du mouvement social. Celui-ci a créé des activités qui devaient également échapper à la logique du profit ou de l'accumulation. Il a imaginé trois types de formes juridiques pour encadrer ces activités : la mutualité, la coopérative, l'association (association de fait ou associations sans but lucratif).

Si du point de vue scientifique, le terme non marchand recouvre à la fois le secteur public et celui de l'économie sociale, dans la pratique, quand on parle des travailleurs du non marchand, il s'agit de secteurs aussi divers que l'aide à la jeunesse, l'aide a l'enfance, les services sociaux, les services de santé (hospitaux publics ou cliniques privees ), les mutualités, les services d'éducation (ecoles), les associations, le monde de la culture et du sport, ...

Aujourd'hui, l'extension des activités d'économie sociale déborde ce faisceau originaire mais celui-ci reste toujours visible : mouvements sociaux, éducations permanente, associations sanitaires et sociales restent le noyau central.

CHERIF Abdoulaziz
Consultant / Formateur

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