Le marketing, ou une nouvelle façon d’appréhender l’organisation de l’entreprise
Au cours du XXème siècle, l’entreprise a été considérée par ses dirigeants comme par les économistes et gestionnaires comme un agent de production situé au cœur de son environnement. L’entreprise avait donc un rôle moteur important dans la dynamisation de son marché, de son environnement. Cette situation prévalait notamment parce que le jeu d’écriture entre offre et demande le permettait.
Tant que l’offre de produit restait inférieur à la demande, la situation de pénurie perdurait dans l’environnement. Dans un tel contexte, les consommateurs étaient contraints de consommer ce que les entreprises produisaient.
Le choix n’était pas de rigueur et l’entreprise, maître de son environnement, y faisait la pluie et le beau temps. On attribue souvent à Ford la phrase « un client peut demander sa Ford T en n'importe quelle couleur, du moment que c'est du noir. ».
Cet état d’esprit est relativement révélateur du rapport de force qui peut exister entre consommateur et entreprise. Dans un tel contexte, la problématique principale de l’entreprise n’est pas de vendre et encore moins de se préoccuper des attentes des consommateurs mais est simplement de produire plus et de produire mieux.
Les économistes, sociologues de l’époque s’appellent entre autres Ford, Taylor, Fayol et Mintzberg et leurs travaux ne portent essentiellement sur une seule problématique : « comment produire plus, comment produire mieux, comment produire plus vite ».
De cette triple problématique en sortira un certain nombre de techniques de production et d’organisation dont l’efficacité reste souvent incontestable mais également un certain nombre de principes de management qui n’ont plus réellement de pertinence dans notre environnement actuel.
Dans ce contexte, la fonction « Production » est la fonction centrale de l’entreprise. Tout est construit autour d’elle. Les « productifs » rythment le tempo aux autres salariés de l’entreprise.
A partir du moment où l’offre de produit a commencé à s’équilibrer avec la demande, l’entreprise a commencé à réaliser que l’âge d’or prendrait fin un jour. En réalité le taylorisme a fait son effet. A force de savoir produire plus vite et en plus grande quantité, les entreprises ont permis aux consommateurs de mettre un terme à cette situation de pénurie qu’ils ont connu jusque là.
On se rend compte alors que tout ce qui se produit ne sera pas vendu de façon aussi automatique. L’entreprise sait produire, elle doit maintenant apprendre à vendre. C’est l’âge d’or de la « réclame » et des techniques de vente développées aux Etats Unis à partir des années 30. Désormais la production laisse peu à peu la place à la communication, la vente et surtout la distribution.
De nouvelles formes de distribution apparaissent. On laisse le consommateur toucher le produit, on le laisse se servir en libre service. On cherche à rendre l’achat plus facile, à rendre le produit plus disponible. Le consommateur commence alors à intéresser l’entreprise qui poursuit malgré tout son travail de production tel qu’elle le faisait jusque là. L’entreprise ne s’adapte donc toujours pas à son marché mais cherche à adapter le marché à ses produits. La fonction principale de l’entreprise n’est plus de produire avec pour obligation d’écouler sa production mais de vendre afin de pouvoir continuer à produire.
Enfin, la période la plus contemporaine dans laquelle nous nous trouvons toujours montre une offre de produit largement supérieure à la demande.
Aujourd’hui n’importe quel consommateur qui souhaite acheter n’importe quel produit se trouve confronté à un choix phénoménal : des dizaines de produits s’offrent à lui. L’entreprise sait produire et à un moindre coût. L’entreprise sait vendre, distribuer et communiquer. Il lui reste maintenant à savoir ce que les consommateurs attendent réellement.
Désormais l’entreprise a cessé d’être, même aux yeux de ses responsables, le centre de l’univers économique. C’est le marché, c’est à dire les consommateurs qui occupent cette place. La seule façon de vendre ses produits dans de bonnes conditions est donc de produire ce que les consommateurs désirent. Il s’agira donc d’identifier correctement les besoins des consommateurs pour pouvoir s’y adapter.
Le consommateur n’est plus situé à la fin de la chaîne de production mais au début comme le seul et l’unique architecte du produit. Désormais c’est le consommateur qui détient le pouvoir. Le profond mouvement des consommateurs de plus en plus avertis et par là même exigeants amplifie le phénomène de déstabilisation de l’entreprise et de son administration en donnant aux consommateurs un pouvoir de plus en plus fort et central, nettement supérieur à celui de ses propres encadrants qui ne maîtrisent plus le processus de décision.
L’entreprise confrontée à une concurrence acharnée, redoutable et internationale se doit de s’adapter quotidiennement à des consommateurs maîtres de la situation et du marché.
Développant l’idée qu’il fallait donc fabriquer en fonction de la demande, Peter Drucker disait qu’il valait mieux fabriquer ce que l’on peut vendre plutôt que de vendre ce que l’on peut fabriquer. C’est donc toute l’organisation de l’entreprise qui est à revoir. Le client devient le centre de l’entreprise au travers de la fonction marketing, la seule apte à faire l’interface entre le marché et les autres fonctions de l’entreprise. Le marketing permet à l’entreprise d’être en situation d’écoute et de veille permanente, de comprendre quotidiennement les attentes du consommateur.
Dans ce contexte, il serait illusoire de résumer le marketing à de simples techniques de commercialisation des produits mais au contraire de le considérer comme un « état d’esprit » qui tournerait intégralement l’entreprise vers le marché et les consommateurs. Le marketing devient alors la fonction primordiale de l’entreprise puisqu’il conditionne sa survie, sa prospérité et sa croissance. C’est ce qui permet à l’entreprise selon Grégory de « donner la primauté à l’environnement sur les problématiques internes à l’entreprise ».
Source : mayol.info
Bibliographie
Le Menestrel J. et Schpilberg M., « Au revoir et encore merci M. Taylor », ed. d’Organisation, 1999
Simon HA. et March JG., « Les organisations », ed. Dunod, 1964
Taylor FW., « La direction scientifique des entreprises », Dunod, 1911
Grégory P., « Marketing », ed. Dalloz, 1993