lundi 9 février 2009

Mystères et paradoxes des tests consommateurs

J'ai toujours été sceptique sur les tests consommateurs. Je l'ai écrit à plusieurs reprises. Comme par exemple dans mon livre :

Science et Communication font-elles bon ménage : « Faire confiance aux conclusions d'un focus-group revient à rechercher, à minuit, son portefeuille égaré sous un lampadaire éclairé sous le prétexte à la logique imparable qu'il est inutile de rechercher ailleurs puisque l'on ne voit rien en dehors du rond de lumière. Les réactions du client observé sont clairement influencées par la présence de l'observateur, et on retrouve là nettement les conclusions du principe physique d'Heisenberg : il est impossible de connaître simultanément la position d'une particule et sa quantité de mouvement. Tout se passe comme si l'observateur qui mesure le phénomène influençait par sa présence les mesures qu'il recherche. »



Marc Lindstrom arrive aux mêmes conclusions dans Buy.ology. Et il les illustre par deux cas, les cas Pepsi/Coca et l'intervention des produits dans les films ou émissions TV. Examinons aujourd'hui le premier cas. L'autre suivra rapidement.





Pepsi Cola contre Coca Cola : la lutte de ces deux géants du soda est continuelle. En 1975, Pepsi lança dans le monde entier un test comparatif, en aveugle sur les deux marques. Les consommateurs (H/F, jeunes vieux) goutaient un verre et disaient lequel ils préféraient.
Eh bien, ils préféraient Pepsi-Cola ! Mais ce résultat surprenant ne changea ni les ventes ni les parts de marché respectives au profit de Coca-Cola.

30 ans après, un début d'explication fut donné par Malcolm Gladwell dans son livre décoiffant Blink : quand on boit quelques gorgées écrivait-il, c'est Pepsi qui l'emporte mais quand on boit une cannette entière, c'est Coca qui est plus prisé.
La raison tient dans le fait que Pepsi est plus sucré que Coca (donc plus agréable pour quelques gorgées) mais que le cerveau du consommateur traduit cela par Sucré = Calories = Obésité quand il boit toute la canette.

M. Lindstrom et son neuromarketing voulurent vérifier cela et il en route un test en scannant le cerveau de volontaires pendant qu'ils buvaient en aveugle les deux sodas. Là encore, plus de la moitié des volontaires eut une préférence marquée pour Pepsi.
Le test fut recommencé avec un autre échantillon de volontaires, et il constata une petite différence qui changea tout quand les volontaires goûtèrent les deux sodas en sachant au préalable lequel était Pepsi et lequel était Coca.

Résultat : 75% des volontaires préférèrent Coca !

On remarqua dans ce second test que la zone d'activité du cerveau, visible au scanner, n'était plus seule comme dans le premier test... Deux zones furent repérées, luttant l'une contre l'autre : la zone du "noyau ventral" qui réagit aux émotions et la zone du cortex préfrontal moyen qui est mobilisée quand on doit réfléchir et choisir.
Lors du test, la zone rationnelle commença par choisir Pepsi, puis très vite la zone émotionnelle reprit le dessus pour choisir, en définitive Coca.
Pourquoi ? À cause de tous les souvenirs d'enfance qu'ils avaient emmagasiné (odeur, couleur, design...) et aussi tous les films de pub, les annonces, les manifestations, etc...

Conclusion : notre cerveau emmagasine des émotions fortes qui ressurgissent inexorablement quand il faut choisir un produit.
Les marques qui ont particulièrement labouré ce terrain s'appellent Apple, Harley-Davidson, l'Oréal...
Les stratégies rationnelles des marketers sont rarement en phase avec les perceptions émotionnelles de leurs clients.


Par Henri Kaufman (http://henrikaufman.typepad.com/et_si_lon_parlait_marketi/)